Littérature espagnole - Siècle d'Or
| La vida es sueño (1631-35) de Pedro Calderón de la Barca
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La vida es sueño est vraisemblablement l’une des œuvres les plus représentatives
du Siècle d’or espagnol car elle allie comédie philosophique d’importance
transcendantale et démonstration théologique.
Le roi de Pologne, Basile, qui est un sage astrologue, a lu dans les oracles
que son fils, Sigismond, dès sa naissance, tuerait sa mère, détrônerait
son père puis régnerait en despote sur ses sujets, ruinant le
pays. Dès lors, il le condamne à vivre retiré du monde,
enchaîné dans une tour et couvert de peaux, ayant pour seul contact,
celui de son précepteur Clotalde. Devenu adulte, Sigismond boit un narcotique
administré sur l’ordre de son père et se réveille
au palais. Tout d’abord troublé par un environnement inconnu et luxueux,
Sigismond devient brutal et féroce, découvrant l’injustice de
sa condition. Aussi Basile lui fait-il administrer un autre narcotique pour
renvoyer le prince à son ancienne prison. Clotalde lui assure qu’il n’a
pas réellement vécu la scène du palais et qu’il a rêvé.
Mais une révolte éclate et permet la libération de Sigismond,
qui reprend la couronne qui lui est due. Il triomphe de lui-même
en réfrénant la violence et en accordant son pardon à son
père.
Par sa conception, l’œuvre est baroque. Baroque par la thématique : la vie n’est qu’un jeu d’illusions ; par la description d’une nature
violente et tourmentée, par le jeu de scènes en clair-obscur,
par le langage et l’utilisation d’un style recherché. Mais baroque également
parce que l’élément philosophique prend une importance décisive,
l’action est souvent subordonnée à la pensée et les personnages
deviennent des symboles de concepts abstraits.
Toutes les inquiétudes qui animent l’homme y sont condensées : l’influence de l’éducation sur la vie de l’homme, le pouvoir de volonté
face au destin, le scepticisme face aux apparences, la faible valeur de l’existence
humaine (considérée comme un simple songe).
La conception négative de l’existence humaine est rendue explicite
lorsque Segismund est confronté à ses désillusions et
à la vanité des biens terrestres :
Es verdad; pues reprimamos
esta fiera condición,
esta furia, esta ambición
por si alguna vez soñamos.
Y sí haremos, pues estamos
en mundo tan singular,
que el vivir sólo es soñar;
y la experiencia me enseña
que el hombre que vive sueña
lo que es hasta despertar.
[…] y en el mundo, en conclusión,
todos sueñan lo que son,
aunque ninguno lo entiende.
Yo sueño que estoy aquí
destas prisiones cargado,
y soñé que en otro estado
más lisonjero me vi.
¿Qué es la vida? Un frenesí.
¿Qué es la vida? Una ilusión,
una sombra, una ficción,
y el mayor bien es pequeño;
que toda la vida es sueño,
y los sueños, sueños son.
En réalité, la vida es sueño a pour origine une série
d’amères réflexions où le seul opposant aux valeurs fictives
demeure la vertu. Cette pièce a un fond idéologique, à
la fois social, moral et théologique. Comme Lope de Vega, Calderón
de la Barca se fait l’écho des idées sur l’honneur et le respect
envers le monarque.
A travers le thème de la désillusion, argumenté par l’apparence
trompeuse des choses et leur caducité, l’auteur adopte la thèse
de P. Molina, défenseur à outrance du concept de liberté
humaine face à l’idée de prédestination. Il reprend le
problème théologique avancé par la chrétienté
dès la fin du XVIe siècle, opposant dominicains et jésuites,
et penche en faveur de la thèse jésuite : l’homme peut choisir
de faire le bien ou le mal, Dieu le jugera sur ses œuvres.
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